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Affichage des articles du octobre, 2023

Il me fallait regarder les arbres, le ciel

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(...) Maintenant, c'est la nuit que je travaince. De minuit à cinq du matin. Le mois passé, ma chambre, rue Monsieur ­le-Prince, donnait sur un jardin du lycée Saint-Louis. Il y avait des arbres énormes sous ma fenêtre étroite. A trois heures du matin, la bougie pâlit : tous les oiseaux crient à la fois dans les arbres : c'est fini. Plus de travail. Il me fallait regarder les arbres, le ciel, saisis par cette heure indicible, première du matin. Je voyais les dortoirs du lycée, absolument sourds. Et déjà le bruit saccadé, sonore, délicieux des tombereaux sur les boulevards. — Je fumais ma pipe-marteau, en crachant sur les tuiles, car c'était une mansarde, ma chambre. A cinq heures, je descendais à l'achat de quelque pain ; c'est l'heure. Les ouvriers sont en marche partout. C'est l'heure de se soûler chez les marchands de vin, pour moi. Je rentrais manger, et me couchais à sept heures du matin, quand le soleil faisait sortir les cloportes de dessous les t...

Exégèse d'un lieu commun: "nous adhérons aux valeurs..."

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Dans le prolongement de ce que j'écrivais sur les "mauvaises consciences" de l'Enseignement Catholique, il me paraît utile de creuser un peu ce lieu commun, cette phrase tant de fois entendue, chez certains professeurs, chez certaines familles d'élèves de l'Ecole Catholique, peu enclins à s'approprier le message christique dans ce qu'il a de radical ou de dérangeant, mais se repliant, commodément, sur des "valeurs" censément chrétiennes. "Nous sommes d'accord avec les valeurs". Quelles sont-elles, ces valeurs? Il y aurait donc des valeurs spécifiquement chrétiennes, qui surpasseraient en éclat et en humanité les valeurs non-chrétiennes? Il suffit de gratter un peu le vernis du mot, en demandant, par exemple, ce qu'ils entendent par là, ceux qui invoquent ces "valeurs de l'enseignement catholique", pour s'apercevoir que, la plupart du temps, il parlent de valeurs communes, des valeurs de la morale universel...

l'école du pauvre introuvable

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Je parlais, dans mon article de rentrée , de la mauvaise conscience de celui,  membre de l'école catholique, qui voudrait être au service du pauvre. Celui-là se croit au Moyen-Âge, ou à l’époque de Vincent de Paul, ou à celle de Don Bosco. Un bref rappel historique est nécessaire pour lui.  L’Église est enseignante : c’est sa mission primordiale. Elle est aussi aidante ; Jésus lui-même enseignait et guérissait – et affirmait toujours que le message primait sur la guérison du corps. Les apôtres durent instituer les diacres pour être soulagés de la charge des pauvres et se consacrer à la transmission du message : signe à la fois de la primauté de la prédication, mais aussi signe que le soulagement des peines sensibles était, dès l’origine, dans les attributions de l’Église. Ce soin des corps malades ou affaiblis a donné à l’Église son assise sociale et a consolidé sa crédibilité. L’empereur « apostat », Julien, ne s’y est pas trompé : et dans son entreprise de restauration des c...

Une prose évangélique d'Arthur Rimbaud

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"Bethsaïda, la piscine des cinq galeries, était un point d'ennui. Il semblait que ce fût un sinistre lavoir, toujours accablé de la pluie et moisi, et les mendiants s'agitaient sur les marches intérieures blêmies par ces lueurs d'orages précurseurs des éclairs d'enfer, en plaisantant sur leurs yeux bleus aveugles, sur les linges blancs ou bleus dont s'entouraient leurs moignons. O buanderie militaire, ô bain populaire. L'eau était toujours noire, et nul infirme n'y tombait même en songe. C'est là que Jésus fit la première action grave ; avec les infâmes infirmes. Il y avait un jour, de février, mars ou avril, où le soleil de 2 h ap. midi, laissait s'étaler une grande faux de lumière sur l'eau ensevelie, et comme, là-bas, loin derrière les infirmes, j'aurais pu voir tout ce que ce rayon seul éveillait de bourgeons et de cristaux, et de vers, dans ce reflet, pareil à un ange blanc couché sur le côté, tous les reflets infiniment pâles remua...