Exégèse d'un lieu commun: la messe ne doit pas être trop longue

Vous trouvez la messe trop longue: interrogez-vous sur votre posture. Questionnez votre participation. Vous priez? Prier pour vous c'est accomplir une action, inscrite dans le temps, horizontale, c'est-à-dire avec un début et une fin, et vous avez l'impression d'avoir prié parce que vous êtes parvenus à la fin. Vous priez horizontalement, donc, oubliant que ce début et cette fin ne sont que les deux bornes entre lesquelles on s'élève, d'horizontal notre mouvement devenant vertical ; n'ayant en vue que la fin, on tentera d'y parvenir le plus vite possible, comme les petits enfants qui bâclent leurs devoirs. Oublions la fin, au contraire: nous savons que l'heure finira par sonner. 

Que faites-vous à la messe? Pourquoi allez-vous à la messe? Est-ce par amour pour votre Dieu? Et les instants d'amour, n'avez-vous pas envie de les prolonger? Vous préparez-vous avant d'aller à la messe, comme on se prépare à recevoir son Créateur et son Rédempteur? Rendez-vous grâce après la messe, prenez-vous le temps de remercier votre Sauveur d'être venu en vous? Sont-ce de si petites choses qu'il faille les faire durer le moins de temps possible, qu'il faille, l' "allez dans la paix du Christ" proféré, ne pas attendre la fin de la procession, la fin des orgues, pour se lever, s'en aller, ou se mettre à bavarder avec son voisin?

Vous avez interprété la participation active, la fameuse participatio actuosa du Concile Vatican II, dans un sens bien évidemment erroné. Vous avez l'impression qu'en ayant lu à l'ambon, en ayant chanté, en ayant accompli les gestes, vous avez fait la messe, vous vous êtes acquitté, en quelque sorte, de ce qu'il "fallait" faire. Erreur. Les pères du Concile ont parlé de participatio actuosa pour mettre fin aux vieilles pratiques, comme dire son chapelet pendant la messe*. Être actif, ce n'est pas s'agiter comme vous le faites: les pères voulaient une assemblée de fidèles unis aux actes et aux gestes en train d'avoir lieu. Celui qui, prosterné, passe la messe en prières, dans un profond silence immobile, sans chanter, sans bouger, mais uni intérieurement à chaque intention de la messe, demandant pardon au kyrie, louant Dieu au gloria, priant l'Esprit-Saint de lui communiquer les lumières nécessaires pour tirer du fruit des lectures et de l'homélie, offrant ses joies et ses peines lors de l'Offertoire, et, sommet de la messe, s'unissant à chaque parole prononcée lors de la Consécration, louant, remerciant, implorant, celui-là participe activement, et mille fois plus activement que celui qui chante tous les cantiques mécaniquement, qui proclamera je ne sais quelles annonces en début ou en fin de célébration, qui accomplira tous les gestes, prononcera toutes les paroles qu'il faut prononcer, sans intention pure, sans élan intérieur.

Pour celui qui prie, la messe n'est jamais trop longue.

Magister


* et même cela ne mérite pas qu'on dégaine trop vite notre mépris. Le dévot (la dévote) qui priait (qui prie encore?) son chapelet pendant la messe ne suit pas les prières et les lectures, j'en conviens; que fait-elle à la place? Il / Elle médite sur les mystères de la vie du Christ et demande des grâces. Fait-on autre chose à la messe? La messe n'est-elle pas un condensé de la vie du Christ et de sa mission salvifique? Ne sommes-nous pas à la messe pour demander ce dont nous avons besoin, et nos besoins, ne sont-ils pas bien résumés par les "fruits du mystère"?


Nagasawa Rosetsu  (長沢芦雪),  1754+1799, Limace, San Diego (E.U.A.), museum of arts.


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