Le soir approche et déjà le jour baisse
Lecture:
Cardinal Robert Sarah, Le soir approche et déjà le jour baisse
Le soir approche et déjà le jour baisse. Le titre du dernier opus du Cardinal Sarah, expert en best-sellers, est tiré de l’Evangile de Luc. Les disciples d’Emmaüs cheminent avec un inconnu qui n’est autre que Jésus lui-même, ressuscité trois jour après sa passion et sa mort, mais ils ne le reconnaissent pas. Ils l’invitent à partager leur repas car la nuit vient. A la fraction du pain et à la bénédiction prononcée par cet homme, leurs yeux s’ouvrent mais il disparaît. En choisissant ce verset des Evangiles, qu’a cherché à nous dire le Cardinal, lui qui fut un proche de Jean-Paul II et Benoît XVI abondamment cités dans l’ouvrage ? L’entame du propos est sans équivoque : « Pourquoi prendre à nouveau la parole ? Dans mon dernier livre, je vous invitais au silence. Pourtant, je ne peux plus me taire. Les chrétiens sont désorientés. Chaque jour, je reçois de toute part les appels au secours de ceux qui ne savent plus que croire. Chaque jour, je reçois à Rome des prêtres découragés et blessés. L’expérience de la nuit obscure. Le mystère d’iniquité l’enveloppe et l’aveugle. » La nuit obscure contemporaine que connaissent le christianisme et plus largement le monde effraierait sûrement le frère carme contemplatif Jean-de-la-Croix qui, en son siècle, l’avait charnellement et spirituellement vécue. Par son athéisme fluide, son relativisme universel la nuit obscure frappe durement des consciences anesthésiées par le capitalisme et le consumérisme, ces valeurs reines d’aujourd’hui. Les cris de profundis du Cardinal, mélange de stupeur et de douleur, ont pour ambition d’interpeler, secouer, comme ceux de Bernanos ou de Soljenitsyne jadis. Car il n’y a plus de temps à perdre tant le mensonge a grippé les rouages des sociétés humaines, particulièrement en cet Occident dominé par l’arrogance de son rationalisme qui le conduit droit à sa perte. Le Cardinal martèle l’urgence : « Il est temps pour les chrétiens de se tenir devant Dieu et d’y conduire les autres. Celui qui prie se sauve, celui qui ne prie pas se damne, disait saint Alphonse. » Notre prince d’église invite à une radicale conversion du cœur et de nos modes de vie : « Voici que tout à coup, nous qui pensions avoir tant d’idées importantes, de projets nécessaires, nous nous taisons, terrassés par la grandeur et la transcendance de Dieu. Emplis de crainte filiale, nous levons les yeux vers le Christ glorieux, tandis qu’à chacun de nous, il demande : « M’aimes-tu ? » Laissons résonner sa question. Ne nous hâtons pas de répondre. En vérité l’aimons-nous ? L’aimons-nous à en mourir ? Si nous pouvons répondre humblement, simplement : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime », alors il nous sourira, alors Marie et les saints du ciel nous souriront et à chaque chrétien ils diront, comme autrefois à François d’Assise : « Va et répare mon Eglise ! » Va, répare par ta foi, par ton espérance et ta charité. Va et répare par ta prière et ta fidélité. Grâce à toi, mon Eglise redeviendra ma maison. »
Cardinal Robert Sarah, Le soir approche et déjà le jour baisse
Le soir approche et déjà le jour baisse. Le titre du dernier opus du Cardinal Sarah, expert en best-sellers, est tiré de l’Evangile de Luc. Les disciples d’Emmaüs cheminent avec un inconnu qui n’est autre que Jésus lui-même, ressuscité trois jour après sa passion et sa mort, mais ils ne le reconnaissent pas. Ils l’invitent à partager leur repas car la nuit vient. A la fraction du pain et à la bénédiction prononcée par cet homme, leurs yeux s’ouvrent mais il disparaît. En choisissant ce verset des Evangiles, qu’a cherché à nous dire le Cardinal, lui qui fut un proche de Jean-Paul II et Benoît XVI abondamment cités dans l’ouvrage ? L’entame du propos est sans équivoque : « Pourquoi prendre à nouveau la parole ? Dans mon dernier livre, je vous invitais au silence. Pourtant, je ne peux plus me taire. Les chrétiens sont désorientés. Chaque jour, je reçois de toute part les appels au secours de ceux qui ne savent plus que croire. Chaque jour, je reçois à Rome des prêtres découragés et blessés. L’expérience de la nuit obscure. Le mystère d’iniquité l’enveloppe et l’aveugle. » La nuit obscure contemporaine que connaissent le christianisme et plus largement le monde effraierait sûrement le frère carme contemplatif Jean-de-la-Croix qui, en son siècle, l’avait charnellement et spirituellement vécue. Par son athéisme fluide, son relativisme universel la nuit obscure frappe durement des consciences anesthésiées par le capitalisme et le consumérisme, ces valeurs reines d’aujourd’hui. Les cris de profundis du Cardinal, mélange de stupeur et de douleur, ont pour ambition d’interpeler, secouer, comme ceux de Bernanos ou de Soljenitsyne jadis. Car il n’y a plus de temps à perdre tant le mensonge a grippé les rouages des sociétés humaines, particulièrement en cet Occident dominé par l’arrogance de son rationalisme qui le conduit droit à sa perte. Le Cardinal martèle l’urgence : « Il est temps pour les chrétiens de se tenir devant Dieu et d’y conduire les autres. Celui qui prie se sauve, celui qui ne prie pas se damne, disait saint Alphonse. » Notre prince d’église invite à une radicale conversion du cœur et de nos modes de vie : « Voici que tout à coup, nous qui pensions avoir tant d’idées importantes, de projets nécessaires, nous nous taisons, terrassés par la grandeur et la transcendance de Dieu. Emplis de crainte filiale, nous levons les yeux vers le Christ glorieux, tandis qu’à chacun de nous, il demande : « M’aimes-tu ? » Laissons résonner sa question. Ne nous hâtons pas de répondre. En vérité l’aimons-nous ? L’aimons-nous à en mourir ? Si nous pouvons répondre humblement, simplement : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime », alors il nous sourira, alors Marie et les saints du ciel nous souriront et à chaque chrétien ils diront, comme autrefois à François d’Assise : « Va et répare mon Eglise ! » Va, répare par ta foi, par ton espérance et ta charité. Va et répare par ta prière et ta fidélité. Grâce à toi, mon Eglise redeviendra ma maison. »
Chronologie des évènements fatidiques
L’assertion
du Cardinal « Le monde moderne a renié le Christ »
répond à celle du fiévreux et mécontemporain Bernanos : « la
société moderne, conspiration contre toute forme de vie
intérieure ». Dans ce reniement réside la cause des
catastrophes qui nous touchent avec une accentuation graduelle au fil
des 18ème, 19ème et jusqu’au 21ème
siècle. La décadence revêt un caractère inéluctable comme
naguère le déclin de Rome. Pertinente analogie. Irréversible
destin vers la chute promise. La Cardinal, pour convaincre, appuie
sur nos plaies de souffrance : « Nous avons voulu
briller aux yeux du monde et, par trois fois, nous avons renié notre
Dieu. Nous avons affirmé : je ne suis pas sûr de lui, des
Evangiles, des dogmes, de la morale chrétienne. Nous avons eu honte
des saints et des martyrs, nous avons rougi de Dieu, de son Eglise et
de sa liturgie, tremblé devant le monde et ses serviteurs. Alors
qu’il venait de le trahir, Jésus regarda Pierre. Que d’amour et
de miséricorde, mais aussi combien de reproches et de justice dans
ce regard. Pierre pleura amèrement. Il sut demander pardon.
Accepterons-nous de croiser le regard du Christ ? Je crois que
le monde moderne détourne les yeux : il a peur. Il ne veut pas
voir son image reflétée dans les yeux si doux de Jésus. Il
s’enferme. Mais s’il refuse de se laisser regarder, il finira
comme Judas, dans le désespoir. Tel est le sens de la crise
contemporaine de la foi. Nous ne voulons pas regarder vers celui que
nous avons crucifié. Aussi courrons-nous vers le suicide. Ce livre
est un appel au monde moderne, pour qu’il accepte de croiser le
regard de Dieu et puisse enfin pleurer. »
Aux
barbaries communiste et nazie du 20ème siècle succèdent
les barbaries plus insidieuses et tout aussi destructrices de
l’abandon de Dieu, puis des repères, de l’identité, des
cultures singulières, de l’histoire, ouvrant ainsi la porte à la
société liquide du nihilisme, de l’individualisme, de la mort de
l’âme. Chesterton avait, pour décrire les lubies de l’homme
moderne, une phrase comme toujours percutante : « Quand
l’homme cesse de croire en Dieu, il ne croit plus en rien. Et quand
il ne croit plus en rien, il croit en n’importe quoi. »
Il est si affligeant de constater combien nous sommes devenus
tristes, vidés de réelle substance, changés en narcisses
survoltés, emportés par les vents, incapables de rébellion. Il
faut relire Saint-Exupéry qui avait tout vu de ces ruptures et du
néant qui advenait. Le professeur et Pape émérite Benoît XVI,
quant à lui, expliquait lors d’une catéchèse en 2012 :
« L’homme séparé de Dieu est réduit à une seule
dimension, horizontale. Ce réductionnisme est justement une des
causes fondamentale des totalitarismes qui ont eu des conséquences
tragiques au siècle dernier, ainsi que de la crise des valeurs que
nous voyons actuellement. En obscurcissant la référence à Dieu, on
a obscurci aussi l’horizon éthique, pour laisser place au
relativisme et à une conception ambigüe de la liberté, qui au lieu
d’être libératrice finit par lier l’homme à des idoles. Les
tentations que Jésus a affrontées au désert avant sa mission
publique représentent bien ces « idoles » qui séduisent
l’homme, quand il ne va pas au-delà de lui-même. Si Dieu perd son
caractère central, l’homme perd sa juste place, il ne trouve plus
sa place dans le créé, dans les relations avec les autres. »
De cette négation assumée de Dieu, de la volonté de le tenir pour
définitivement mort découlent en cascade les évènements qui
orchestrent la décivilisation et la déculturation :
disparition du père de famille, pulvérisation de la famille
elle-même, marginalisation puis implosion des structures d’autorité
(le curé, l’instituteur, le professeur, le docteur, l’avocat,
l’homme politique, le représentant de l’Etat, le maire…),
perte du sacré. « La perte du sens de la grandeur de Dieu
est une formidable régression vers la sauvagerie. Le sens du sacré
est en effet le cœur de toute civilisation humaine. La présence
d’une réalité sacrée engendre les sentiments de respect, les
gestes de vénération. Les rites religieux sont la matrice de toutes
les attitudes de politesse et de courtoisie humaine. »
rappelle le Cardinal.
De
leur côté, les morts ne sont plus honorés, voués à la cendre de
l’oubli après passage express en funérarium. Ils ne sont pas de
la famille des morts du monde d’avant, chanceux anciens, objets
d’un digne respect, dormition puis linceul, poussière comme
promesse de vie, de résurrection éternelle aussi, voyage vers le
grand mystère. Les symboles d’avant sont jugés obsolètes par
tous les esprits formatés de la sphère moderniste. Les résurgences
du passé, si fécondes en sens soient-elles, sont antinomiques du
progrès, selon la doxa du moment. Les vieillards du monde
dit-civilisé -contrairement à ce que l’on observe dans les
civilisations africaine et asiatique- sont assimilés à des résidus
inutiles, parqués dans des Ephad, ces structures de profit, abjects
symboles d’un monde qui ne s’aime plus à force de se complaire
dans le narcissisme. Les femmes –contrairement encore aux
civilisations susnommées- sont avilies, érotisées jusqu’à
l’immonde, réifiées en Occident décadent. Les idoles, les veaux
d’or, les passions hédonistes, les eugénismes et transhumanismes
ne servent à la fin qu’un seul maître : l’argent. Son
synonyme est capitalisme, ou encore libéralisme-libertaire mais,
quels que soient les qualificatifs pour le définir, il a su ravaler
l’homme au rang de bête, à la dernière place, celle dévolue à
la chose marchande monétisée, remplaçable, interchangeable.
Fulgurances à l’adresse des cœurs attiédis
Certains
aphorismes et réflexions du Cardinal sont d’heureuses flèches
ardentes et autant d’objets de profonde méditation : « Quand
le Christ explique aux hommes vers quoi ils doivent tendre, il ne
leur dit pas : « Soyez pleinement et parfaitement hommes,
épanouissez-vous jusqu’à la perfection de votre nature humaine »,
mais : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est
parfait », c’est-à-dire de la perfection même de Dieu. » ;
« La science et la technologie nous hypnotisent au point que
nous agissons comme s’il n’y avait rien au-delà de la matière.
Nous savons que toute chose sur terre est périssable mais nous
continuons à préférer le fugace à l’éternel. ».
Le
lumineux Cardinal poursuit, exhorte et encourage ses frères du
sacerdoce et de la vie religieuse : « Vous tous prêtres
et religieux cachés et oubliés, vous que la société méprise
parfois, vous qui êtes fidèles aux promesses de votre ordination,
vous faites trembler les puissances de ce monde ! Vous leur
rappelez que rien ne résiste à la force du don de votre vie pour la
vérité. Votre présence est insupportable au prince du mensonge.
Vous n’êtes pas les défenseurs d’une vérité abstraite ou d’un
parti. Vous avez décidé de souffrir par amour pour la vérité,
pour Jésus-Christ. Sans vous, chers frères prêtres et consacrés,
l’humanité serait moins grande et moins belle. ».
Concernant le synode d’Amazonie qui se déroule en 2019 et qui
apparaît à bien des égards expérimental et périlleux pour
l’avenir de l’Eglise, Robert Sarah ne mâche pas ses mots :
« Les habitants de l’Amazonie ont un besoin profond de
prêtres qui ne se bornent pas à accomplir leur travail à horaires
fixes avant de retourner en famille s’occuper de leurs enfants. Ils
ont besoin d’hommes passionnés par Le Christ, brûlants de son
feu, dévorés par le zèle des âmes. Que serais-je aujourd’hui si
des missionnaires n’étaient pas venus vivre et mourir dans mon
village de Guinée ? Aurais-je eu le désir d’être prêtre si
l’on s’était contenté d’ordonner l’un des hommes du
village ? L’Eglise serait-elle à ce point refroidie qu’il
n’y ait pas parmi ses enfants suffisamment d’âmes magnanimes
pour se lever et partir annoncer le Christ en Amazonie ? ».
Sur
la tiédeur de notre temps qui est aussi celle des catholiques, il
cite une nouvelle fois Bernanos qui houspille ces derniers, dans
son Journal d’un curé de campagne : « Vous
revendiquez d’être les pierres du Temple appelé Dieu, les
concitoyens des Saints, les enfants du Père Céleste. Avouez que
cela ne se voit pas toujours du premier coup ! ».
Sur
l’attente d’une période meilleure : « Je l’ai
dit souvent, je ne crains pas de le répéter. Le renouveau viendra
des monastères. ».
En
conclusion, et pour que nous saisissions le cap clair qu’il nous
est donné de suivre, le Cardinal Sarah convoque une fois encore
les mots de Georges Bernanos : « Qui prétend réformer
l’Eglise par les mêmes moyens qu’on réforme une société
temporelle non seulement échoue dans son entreprise, mais finit
infailliblement par se trouver hors de l’Eglise […] On ne réforme
les vices de l’Eglise qu’en prodiguant l’exemple de ses vertus
les plus héroïques. Il est possible que saint François d’Assise
n’ait pas été moins révolté que Luther par la débauche et la
simonie des prélats. Il n’a pas défié l’iniquité, il n’a
pas tenté de lui faire front, il s’est jeté dans la pauvreté, il
s’y est enfoncé le plus avant qu’il ait pu, avec les siens,
comme dans la source de toute rémission, de toute pureté. Au lieu
d’arracher à l’Eglise les biens mal acquis, il l’a comblée de
trésors invisibles, et sous la douce main de ce mendiant le tas d’or
et de luxure s’est mis à fleurir comme une haie d’avril. […]
Ainsi l’Eglise n’a pas besoin de réformateurs, mais de saints. »
Tout
est dit. Le monde attend le passage des saints, là où les saints
passent Dieu passe avec eux. Ainsi le monde redécouvrira son
Créateur puis, ce trésor qu’est la juste mesure des choses,
l’humilité face à Dieu.
SOLIGNAC
![]() |
Rembrandt, Les Pélerins d'Emmaüs |
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