L'oratoire du lycée Saint Jean - par B. Daubas.
Dans l’enseignement catholique de Lectoure ‘Saint-Jo’ est la maison-mère, avec sa chapelle en crypte et l’église (paroissiale) du Saint-Esprit qui lui est conjointe. Mais à 800 mètres de là, le second cycle de ‘Saint-Jean’ a aussi son oratoire. Y figurent trois images pieuses, soit deux sculptures et la reproduction d’un tableau. Bernard Daubas, ancien professeur de lettres de la maison, a médité sur ces œuvres, qui rappellent trois moments de ce que Dieu fit pour nous.
L’oratoire de Saint-Jean*
Un rideau jaune, par la grâce de la lumière du dehors,
habille la pièce d’une vapeur dorée qui semble à elle seule
installer un riche silence.
A droite, le Baptême du Christ, œuvre d’un ancien
élève du lycée, François-Xavier Richard.
Saint Jean Baptiste y paraît ; on voit bien qu’il
est nourri de sauterelles et qu’il a dû disputer aux ours le miel
dont on les assaisonne ; il n’est que débris, bricoles,
collages ; le sculpteur a rassemblé en hâte les balayures de
son atelier ; quelques planches de cageots, fil de fer, bouts
de ficelle arment une terre grise et pulvérulente ; il ne
faudrait pas danser longtemps pour que sa tête tombe !
Tout en cendres...
Tout en flamme !
Cou maigre, visage terrible, regard halluciné, voix
tonitruante, longs bras maigres et musculeux. Il n’impose pas les
mains, il invite les cieux à s’ouvrir ; ses doigts façonnent
une tornade de tous ceux qu’il appelle, ses doigts très vieux et
très forts.
Au-dessous émerge le torse du Christ, nageur puissant,
la tête encore courbée par l’effort, les bras le long du corps ;
une seconde et il va les déployer, lever son visage vers le ciel et
régner sur le monde.
A gauche, au mur, une Crucifixion, de Germain Massoc,
qui enseigna à l’école tout en étant curé de Touget.
La
Croix se dresse à l’extrême bord des enfers d’où fusent les
vapeurs sulfureuses. Ce devait être une très grande croix, consumée
par le corps distendu dont les doigts tétanisés semblent aspirés
par le vide ; l’âme est descendue aux enfers. Entre les
masses ténébreuses du chaos, le Christ, violemment éclairé de la
gauche - un côté sombre, donc -, fait rempart ; il est tout
déchiré par l’effort, abandonné dans un très grand désert ;
personne n’oserait.
Et pourtant ! le pinceau vient de quitter la
toile ; le prêtre doit maintenant prendre sa croix et Le
suivre ; quel impitoyable commandement ! quelle terrible
déchirure ! où trouver assez d’humilité pour panser cette
épouvantable plaie ? assez d’amour ?
Entre les deux, une Pietà. C’est une œuvre en bois
enduit et peint, d’exécution classique, haute d’environ
soixante-dix centimètres.
Sur ses genoux écartés, Marie tient son fils. Le
buste s’abandonne, la nuque repose sur la main droite de la mère,
un bras est tombé, malgré l’effort qu’elle fait pour retenir
par la hanche, de sa main gauche, le corps trop grand ; les
jambes allongées se raidissent déjà dans la position qu’elles
avaient sur le bois ; la mère se penche sur le visage
tragiquement endormi.
Ce fils a grandi si vite ! Elle est jeune encore,
son visage exempt de rides, son front lisse, mais ses yeux sont tout
gonflés de larmes contenues, et de ses lèvres entrouvertes, tout
doucement, elle berce le corps exsangue.
On sent qu’elle est assise là depuis longtemps,
qu’elle oublie le temps, qu’il faudrait lui enlever Jésus…
Personne ne le fait. On s’assied à son tour et on la
regarde.
L’or merveilleux de son vêtement, le voile, la
tunique – quelques reflets pourpres à l’arête des plis - rend
au rideau et au soleil leur lumière devenue baume, parfum pour les
âmes, plénitude pour les yeux, paix suave du reposoir.
Marie, ma pauvre Marie, ma douloureuse reine,
l’eau de mon baptême, l’apporter tout ardente au
Calice, comment le pourrai-je ?
Le corps du Christ consacré au Jourdain, consumé au
Golgotha, les foudres et les cataclysmes, le passionné et la Passion
se dressent comme des épouvantes.
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