un déicide

" ... le péché vous apparaissait, je crois, plutôt comme une infraction à quelque règlement de douane céleste que comme ce qu'il est en réalité, un déicide. Une opération qui atteint l'Incréé lui-même, - imagine-t-on cela? - non en lui-même mais dans l'ordre essentiel des choses voulu par lui, et qui crucifie l'amour créateur. 

C'est un mystère que le péché, et dont les saints eux-mêmes n'ont qu'une idée très imparfaite. Alors, nous, comment essayerions-nous de l'expliquer? Il n'y a rien de plus incompréhensible. C'est seulement dans les grands spasmes liturgiques de la Semaine sainte, - lamentation de l'Eglise bouleversée, - et dans l'horrible miroir de la souffrance universelle que nous pouvons deviner quelque chose de sa nature. L'enfer est peu de chose à côté. Dieu est trop bon, dit-on pour ne pas pardonner? C'est justement ce qu'il fait: tout, il pardonne tout, dès que le cœur se repent. Si le diable se repentait il serait tout de suite pardonné. Mais le péché sans repentir ne peut pas être pardonné, pas plus que Dieu ne peut s'anéantir; il postule un monde à lui, privé de Dieu comme lui, un feuà lui presque aussi dur que celui de la charité, - et où cependant la pitié de Dieu, qui de rien n'est absente, fait que l'on pâtit moins qu'on ne l'a mérité. L'Amour a tout créé pour diffuser la beauté divine, il ne peut pas être vaincu; si je refuse de le manifester en miséricorde, je le manifesterai en justice. C'est ce refus qui est obscur."

Jacques Maritain, Réponse à Jean Cocteau (1926)


Jean Cocteau, Christ aux outrages - chapelle N.D. de Jérusalem, Fréjus


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