La Crise de l'Eglise et ses mauvaises solutions

Dans la continuité de ce que nous disions la semaine dernière sur les Homais de l’Église...

On a eu tendance à ne retenir que l'aspect le plus superficiel de la crise de l’Église. On a recherché des solutions politiques et sociales, considérant le problème tout entier comme relevant uniquement de ce champ. Question de la classe ouvrière déchristianisée et du peuple fidèle embourgeoisé. 

En remontant à une époque pas si lointaine, on juge que l’Église a lié son destin avec celui de la royauté; le monarchisme ayant échoué, l’Église s'est trouvée désorientée; à ces questions politiques on a cherché les solutions de l'époque. Se désolidariser de la classe bourgeoise, chercher à gagner de l'influence dans la classe ouvrière.

Ainsi, ce qu'il importe de rappeler pour clarifier nos idées, c'est que le "catholicisme social" (cf. de Mun, La Tour du Pin, Ozanam, puis les mouvements tels que la JOC) est né du désir de conserver la chrétienté: on a du mal à le penser, tant les nostalgiques de l'ordre chrétien ancien semblent aux antipodes des chrétiens sociaux d'aujourd'hui. Leur racine est pourtant la même. Comme je l'ai esquissé dans l'article précédent, deux familles de l’Église sont apparemment opposées: pour le premier clan, on se campe sur les positions "bioéthiques", contestation d'un droit à l'avortement, fin de vie et ses enjeux, lutte contre le mariage homosexuel (2012-2013), voire question identitaire; pour l'autre clan, on s'attache aux questions "sociales" : soutien des pauvres, accueil des migrants, acceptation dans l’Église des personnes aux tendances homosexuelles, place des femmes. On ne saurait faire deux tendances plus opposées, plus susceptibles de ne pas se comprendre. Pourtant, elles ont toutes deux un dénominateur commun: l'incapacité à sortir du logiciel politique, social et moral. 

Restaurer l'ordre moral ou "s’ouvrir au monde", dans les deux cas, le risque demeure la compromission avec des doctrines non chrétiennes, purement idéologiques, étrangères voire contraires au christianisme; à tout le moins, le risque d'oublier la spécificité, l'originalité de notre foi.

Ils remplissent leurs vies de ces questions: l'action et les structures qui y sont liées, au point de ne plus voir l'enjeu chrétien: la foi purifiée; l'espérance du retour imminent; la Charité qui prend naissance de l'union à Dieu. Qui prie avec ferveur pendant des heures? Qui s'imprègne de la parole de Dieu? Drogués d'identité ou d'action, ils oublient que le premier acte du chrétien n'en est pas un: c'est faire halte.

On a l'impression que les chrétiens ne proposent plus que cela: de l'identité ou de l'action. Il n'y a qu'à voir ses écoles. On y apprend, ou bien le partage (certaines "pastorales" se résument à cela), ou bien - pour les écoles plutôt typées de l'autre clan, la doctrine et la morale. Y apprend-on à prier? (et prier autrement qu'en demandant des avantages matériels, qu'en adoptant des pratiques magiques).

La "pastorale" d'une école catholique devrait être une école d'oraison et de liturgie. De même pour celle des paroisses.

Car c'est cela que le chrétien a à offrir au monde d'aujourd'hui, à ce monde redevenu païen, la technologie en plus: la foi, et non seulement la foi, mais aussi la familiarité avec la douce présence de Dieu, qui ne se trouve que dans la régularité, quotidienne, de l'oraison.

Je sais que mon propos peut m'attirer une critique: l'accusation de quiétisme. J'y répondrai par anticipation: je n'oublie pas l'agir chrétien dans le monde. Je rappelle simplement l'ordre des priorités: la mystique passe avant l'ascétique.

MAGISTER

Peter Brueghel den Aauwe (1525+1569), Le Combat de Carnaval et Carême (détail). Vienne, Kunsthistorisches Museum


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