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Affichage des articles du mars, 2024

Il y eut un soir...

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Il y eut un soir… Elle est allée seule au tombeau de « grand matin » nous dit l’évangéliste. Marie Madeleine a quitté son lit, réveillée par l’amour de son « rabbouni », pour lui rendre les derniers hommages. Tirée de sa torpeur par la charité, la voilà dans le jardin avant que le soleil ne l’éclaire. Le mot grec employé par S. Jean pour désigner le « matin » (πρωΐ) est exactement le même que celui qui scande le récit de la Genèse : « il y eut un soir, il y eut un matin… » Sachant que ce même évangéliste ouvre son œuvre inspirée par des mots également venus du premier chapitre du premier livre de la Torah (Ἐν ἀρχῇ -« dans le principe » - « au commencement ») difficile de ne pas voir le lien qu’il établit entre les deux évènements. Il s’agit bien de commencements, d’une création et d’une recréation.  Et cela se passe de « grand matin » traduisons nous (il n’y a pas l’adjectif « grand » en grec). L’é...

J. Maritain à J. Cocteau: "Je n'ai pas su vous apprendre à prier..."

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"Jean, rien ne sépare mon coeur de votre coeur, mais mon incapacité à vous faire désirer le coeur de Dieu m'est une douleur sans fond. Qu'ai-je su faire pour vous, mon Jean? Tant d'impuissance me fait honte, découvre atrocement ma misère, condamne peut-être ma présomption. Je n'ai pas su vous apprendre à prier jusqu'au point où la douceur de Dieu se fait connaître à l'âme et préférer à tout autre expérience. Car ce n'est pas assez de reconnaître Dieu dans la beauté des créatures, qui ne sont encore que des images, il faut encore vouloir offrir à Dieu un coeur si purifié qu'il puisse s'y montrer avec sa beauté propre. Alors seulement disparaissent tous les doutes au sujet des commandements." Jacques Maritain à Jean Cocteau, 11/08/1927 Ces lignes de 1927 font écho au constat déjà posé par Maritain à propos de son ami, dans la Réponse à Jean Cocteau de 1926: "Pour vous toutefois, mon cher Jean, à ce moment vous n'aimiez pas Dieu tout ...

La Crise de l'Eglise et ses mauvaises solutions

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Dans la continuité de ce que nous disions la semaine dernière sur les Homais de l’Église... On a eu tendance à ne retenir que l'aspect le plus superficiel de la crise de l’Église. On a recherché des solutions politiques et sociales, considérant le problème tout entier comme relevant uniquement de ce champ. Question de la classe ouvrière déchristianisée et du peuple fidèle embourgeoisé.  En remontant à une époque pas si lointaine, on juge que l’Église a lié son destin avec celui de la royauté; le monarchisme ayant échoué, l’Église s'est trouvée désorientée; à ces questions politiques on a cherché les solutions de l'époque. Se désolidariser de la classe bourgeoise, chercher à gagner de l'influence dans la classe ouvrière. Ainsi, ce qu'il importe de rappeler pour clarifier nos idées, c'est que le "catholicisme social" (cf. de Mun, La Tour du Pin, Ozanam, puis les mouvements tels que la JOC) est né du désir de conserver la chrétienté: on a du mal à le pen...

Les Homais de l'Eglise

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 De Flaubert, Madame Bovary "Bournisien l'interrompit, répliquant d'un ton bourru qu'il n'en fallait pas moins prier. -- Mais, objecta le pharmacien, puisque Dieu connaît tous nos besoins, à quoi peut servir la prière? -- Comment! fit l'ecclésiastique, la prière! Vous n'êtes donc pas chrétien? -- Pardonnez, dit Homais. J'admire le christianisme. Il a d'abord affranchi les esclaves, introduit dans le monde une morale..." Il est significatif que Flaubert ait mis dans la bouche de l'imbécile pharmacien, le progressiste voltairien imbu de lui-même, scientiste, prétentieux et conformiste, de tels arguments. Celui de gauche, comme on dirait aujourd'hui (le christianisme a affranchi les esclaves), celui de droite (il a introduit dans le monde une morale). Car réduire le christianisme à une morale, c'est bien ce travail de sape auquel se livrent tous les Homais de l'Eglise d'aujourd'hui, de droite et de gauche, à faire de la mis...

décodage de texte: une lettre de Manon

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L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut (1731 ; 1753) est le récit, par l'abbé Prévost, de la déchéance d’un garçon de bonne famille épris d’une fille d’un niveau social inférieur, frivole et infidèle ; le lectorat, contemporain et postérieur, raccourcira le titre de l’oeuvre malgré celui que lui attribua l’auteur, et elle est aujourd’hui connue sous le nom de Manon Lescaut, abrègement commode, mais aussi significatif: de deux personnages éponymes, il n’en reste qu’un seul. Et ce ne sera pas des Grieux, qui pourtant est le personnage central, le narrateur de sa propre vie, celui par la vision duquel l’histoire commence, qui se clôturera sur ses derniers mots, et dont aucun détail de la psychologie ne sera passé sous silence . Qu’a Manon de plus que lui, pour avoir autant intéressé les lecteurs au point de lui faire occuper toute la place ? La réponse est qu’elle a plutôt moins. Perçue à travers le regard de son amant, il s’agit d’un personnage que nous con...