Le charme de la ruine

« Le charme de la ruine consiste dans le fait qu'elle présente une oeuvre humaine tout en produisant l'impression d'être une oeuvre de la nature... Ce qui a dressé l'édifice dans un élan vers le haut, c'est la volonté humaine ; ce qui lui donne son aspect actuel, c'est la force mécanique de la nature, dont les forces de dégradation tendent vers le bas. Cependant, tant que l'on peut parler de ruines et non de monceaux de pierres, la nature ne permet pas que l'oeuvre tombe à l'état amorphe de matière brute ; une forme nouvelle est née qui, du point de vue de la nature, est absolument significative, compréhensible, différenciée. La nature a fait de l'oeuvre d'art la matière de sa création, de même qu’auparavant l'art s'était servi de la nature comme de son matériau.
C'est ainsi que la ruine produit une impression de paix, parce qu'en elle l'opposition de ces deux puissances cosmiques agit comme l'image reposante d'une réalité purement naturelle ; c'est ce qui explique aussi que la ruine s’assimile au paysage environnant, s'y implante comme l'arbre ou la pierre, tandis que le palais, la villa ou même la demeure paysanne, quelle que soit la façon dont ils s'adaptent au caractère du paysage, émanent toujours d'un autre ordre de choses et ne paraissent s'accorder qu'après coup avec l'ordre de la nature. »
Georg Simmel

Commentaires

  1. Ces grands monceaux pierreux, ces vieux murs que tu vois
    Furent premièrement le clos d’un lieu champêtre :
    Et ces braves palais, dont le temps s’est fait maître,
    Cassines de pasteurs ont été quelquefois.

    Lors prirent les bergers les ornements des rois,
    Et le dur laboureur de fer arma sa dextre :
    Puis l’annuel pouvoir le plus grand se vit être,
    Et fut encor plus grand le pouvoir de six mois :

    Qui, fait perpétuel, crut en telle puissance,
    Que l’aigle impérial de lui prit sa naissance :
    Mais le Ciel, s’opposant à tel accroissement,

    Mit ce pouvoir ès mains du successeur de Pierre,
    Qui sous nom de pasteur, fatal à cette terre,
    Montre que tout retourne à son commencement.

    Joachim DU BELLAY (1522-1560)
    Les Antiquités de Rome

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