Le Chrétien au travail

En ces jours de rentrée pour tous nos professeurs du lycée Saint Jean - et plus largement de l'Ecole Saint Joseph - je vous propose de méditer quelques instants sur notre manière de considérer le travail, à travers le monologue d'un chrétien au travail.

Un drame de la vie du chrétien est le syndrome bien connu de la "double-vie"; chrétien le dimanche, ou pour les plus fervents, chrétien dans ma prière quotidienne, et le reste du temps, bernique.

Et pourtant, Dieu est là. 

Je vais au travail ; je sais que Dieu m'attend sur mon lieu de travail. Mon regard est alors transfiguré. Je ne pense plus aux classes que je vais avoir, avec plus ou moins d'inquiétude, ou aux collègues que j'aimerais voir, et ceux qui me plaisent moins et que j'aimerais éviter ; je ne pense pas avec crainte aux éventuels conflits qui risquent d'advenir; je pense à Lui, je sais qu'Il m'attend avec confiance.

Car Dieu veut mon travail.

Il m'a créé à son image et à sa ressemblance, Gen. I, 26 sq. Qu'est-ce que cela signifie? Que lisons-nous dans ce passage? Nous voyons un Dieu Créateur, qui crée l'homme à son image - cette ressemblance ne pouvant être physique, c'est donc une ressemblance en Esprit. Ainsi, l'image de ce Dieu Créateur est en fait une créature capable de créer. Nous sommes nous-mêmes créateurs, en cela que nous collaborons à la création. C'est le sens du "dominez la terre" qui suit : Dieu nous confie le monde, nous en sommes responsables. Plus loin, dans le chapitre II, Dieu place l'homme dans le Jardin d'Eden, pour qu'il "le cultive et le garde": l'homme est le jardinier de Dieu, c'est à dire que la Création est confiée aux bons soins de son travail.

Le travail ne m'éloigne donc pas de Dieu; au contraire, il m'y conduit. Je ne dis pas: "maudit travail! je pourrais, à l'heure qu'il est, dire mon chapelet!" Non: le travail est une prière. Bien sûr, elle ne remplace pas le chapelet, au contraire! la vie de l'homme a besoin des temps de prière, les chapelets, la messe, l'oraison, la liturgie des Heures: c'est sa respiration. 

Rapprochons-nous de l'idéal bénédictin: huit heures de prière, huit heures de travail, huit heures de repos font vingt-quatre.

Mes objectifs professionnels, peuvent-ils être autre chose que : sanctifier le travail ; me sanctifier ; sanctifier les autres?

Sanctifier le travail: mon travail ne peut être que positif; si je trahis ma conscience dans l'exercice de mon travail, c'est qu'il est négatif, et je dois en modifier les méthodes, ou en changer, tout simplement. Je suis attentif à mon travail, je veille à ses objectifs et ses conditions.

Me sanctifier: par l'exercice des vertus, par une espérance inébranlable, par une foi fervente, et par une charité rayonnante; par la prudence qui me fait posément analyser les situations, par la force qui me permet de prendre des décisions avec fermeté, par la tempérance qui me rend maître de moi, par la justice qui me permet d'offrir à chacun ce qui lui est dû; dans l'exercice de mon travail, je me sanctifie, ou plus exactement, je fais usage du travail comme d'un instrument de sanctification, d'union au Christ, en L'imitant, en cherchant à lui plaire, à me conformer à Lui.

Sanctifier les autres: Vatican II a rappelé qu'on ne fait pas son Salut tout seul, mais qu'on forme un peuple, qui est en marche vers ce Salut. Je ne sauve pas les autres, seul le Christ sauve; mais je peux être une lumière sur mon lieu de travail, en étant loyal, compréhensif envers les autres, et en cherchant à me dépasser moi-même. Je bannis définitivement la plainte & la médisance. Par ma joie, mon sérieux dans le travail et ma bonne humeur, j'inspire les autres ; je ne suis pas jaloux de celui qui est bon au travail comme je voudrais l'être: au contraire, il m'inspire. Seules les paroles de Sagesse sortent de ma bouche.

Ainsi, j'arrive au lycée. Je sais que dans les visages de mes élèves, dans ceux de mes collègues et des travailleurs aux cuisines, je verrai le visage du Christ.

MAGISTER

P.S.: un mot encore. Je sais qu'en n'écrivant que cela, je vais m'attirer les critiques de ceux qui penseront que je fais peu de cas du caractère pénitentiel du travail, celui d'après la Chute, du fameux "tu mangeras ton pain à la sueur de ton front". Je réponds d'avance à ces critiques. Je ne nie absolument pas le péché originel et ses implications. Quand j'ai parlé d'imitation du Christ, et de conformation au Christ, j'ai parlé de ce caractère de pénitence que revêt le travail, car si je prends exemple sur le Christ qui rayonne, je n'oublie pas le Christ qui souffre, et je sais que c'est pour nos péchés. Travailler dur, travailler avec persévérance au prix de certains sacrifices, c'est justement une offrande pénitentielle, pour mon rachat, et pour celui de tous. Mais si je suis si positif dans mon exposé, c'est qu'il me semblait utile de rappeler que dans le livre de la Genèse,II,  Dieu confie un travail à l'homme avant la Chute; l'homme était donc fait pour travailler ; la malédiction causée par le péché n'est pas le travail mais sa peine.

Georges de la Tour

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