Apologétique pour les jeunes : Qui a été conçu du Saint-Esprit...

Qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, ...

Jacques le Majeur « En tant que professeur de SVT et catholique pratiquant, n’y a-t-il pas contradiction sur de nombreux points tels que l’origine de l’homme, la mort, etc, ... Quelles explications peut-on donner aux contradictions qu’il y a entre religion et science sur de nombreux sujets comme l'origine de la Terre, des Hommes ? Comment concilier rationalité et certaines croyances (Mer rouge, résurrection, …) ? Est-ce que l’idée de religion et l’idée de science ne seraient pas deux choses contradictoires ? Eglise et science : des objectifs totalement opposés ? un combat ? Peut-on concilier esprit scientifique et croyance religieuse ? »


La virginité de Marie a fait couler beaucoup d'encre. Elle est vénérée par les chrétiens et les musulmans mais comment une femme peut-elle être vierge et enceinte ? Biologiquement c'est impossible. Marie s'étonne elle même devant l'annonce de l'Ange Gabriel : « comment cela sera-t-il puisque je ne connais pas d'homme ? »1 Dans la bible, connaître un homme signifie avoir une relation sexuelle avec lui. Comme tout bon élève, Marie fait l'innocente pour montrer qu'elle est bien lucide et qu'elle cherche à comprendre. Quand Gabriel va faire l'annonce à Joseph, on peut imaginer son désarroi croyant que sa fiancée l'a trahie. On ne peut qu'admirer sa foi et le chemin, le plus difficile, qu'il a choisi de prendre.

L'archange Gabriel explique la possibilité de la naissance de Jésus alors qu'elle est vierge par la puissance de Dieu. Il n'évoque ni FIVETTE ni ICSI2 mais donne l'exemple de sa cousine Elisabeth qui était stérile et se trouve enceinte de Jean Baptiste puis conclu par une citation du livre de la Genèse où Sarah enfante Isaac leur ancêtre, histoire de donner un autre exemple et de montrer l'accomplissement des écritures.3 Ce n'est certes pas une réponse scientifique, il n'y a pas de logique biologique. La logique est ici théologique : puisque Jésus est pleinement Dieu et pleinement Homme, et que rien n'est impossible à Dieu, le catéchisme de l'Eglise catholique affirme que « la naissance du Christ « n'a pas diminué, mais consacré l'intégrité virginale » de sa mère »4 Autrement dit c'est une affaire de foi, à prendre dans son ensemble, « un lien qui relie les mystères entre eux »5, un mystère à cultiver (nous définissons ce mot dans la partie 5).

Il y a aussi les frères de Jésus dont on parle dans les évangiles : s'il a eu des frères, Joseph et Marie ont eu des enfants. Tous par l'opération du St Esprit ? Là il faut revenir au texte6 : Sts Matthieu et Marc parlent des frères de Jésus, Jacques, Joseph ou Joset, Simon et Jude, mais le mot frère dans l'ancien testament, ainsi que dans certaines cultures encore aujourd'hui, africaine par exemple, désigne aussi bien un cousin qu'un ami très proche7. Jacques et Joseph sont en fait les fils d'une autre Marie, disciple de Jésus. Quand un prêtre commence son sermon par « mes frères » cela ne signifie pas qu'il a la même mère biologique que toute l'assemblée (!) mais qu'ils ont la même mère spirituelle : Marie.
Enfin la virginité de Marie est surtout fondamentale spirituellement : on parle de l'Immaculée Conception, dernier des dogmes, proclamé en 1854 par le pape Pie XI.8 Ce dogme est donné par la Vierge elle-même à Ste Bernadette, comme quoi les dogmes ne sont pas des élucubrations papales, Bernadette Soubirous était une pauvre petite fille de la campagne : quand un pape prononce un dogme, c'est -à-dire une déclaration affublée de son infaillibilité papale, ce n'est pas de sa propre pensée personnelle mais de la somme d'inspirations et de réflexions de la communauté chrétienne au long des siècles. Ce dogme confesse que Marie est conçue sans trace du péché originel, par une grâce particulière. C'est pourquoi aussi on dit qu'elle est « pleine de grâce ».

Évidemment ces explications ne peuvent être satisfaisantes pour un esprit scientifique qui pense se suffire des sciences, il faut croire au St Esprit, à Jésus Fils de Dieu et au Créateur pour avaler tout cela, les miracles ne sont utiles que pour les croyants. Louis Bouyer explique que « La notion chrétienne du miracle y voit non seulement une action extraordinaire, passant les forces de la nature créée, mais un « signe » de Dieu »9. St Jean annonce le premier « miracle » de Jésus dans son évangile avec les noces de Cana et il écrit : « Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. »10 Quand l'Eglise proclame un miracle, il a passé d'abord un sacré nombre d'examens pour le devenir, y compris des examens scientifiques, car s'il est explicable scientifiquement, alors il n'y a plus de miracle, des examens théologiques aussi, sinon n'importe quel illuminé pourrait se proclamer le Messie. Ce n'est donc jamais sans raison, au sens fort du mot, que l'Eglise prononce un signe extraordinaire : pas de voyeurisme paranormal comme à la télé.

Entre Eglise et science on pense immédiatement au procès Galilée qui s'est battu pour prouver l'héliocentrisme (le soleil au centre du système) contre le géocentrisme (la terre au centre). Il faut remettre les choses à leur place. J'utilise ici ce qu'a écrit Claude Allègre que l'on ne peut pas taxer de parti pris pour l'Eglise : « c’est l’arrogance comme le dogmatisme qui affaiblissent la science et non l’humilité. Et ce, depuis Galilée. »11 Car avec d'autres scientifiques il y aurait peut-être eu héliocentrisme sans procès. Si L'Eglise s'est trouvée trop peu ouverte, Galilée a aussi eu deux torts selon Allègre : ne pas tenir compte des travaux de collègues comme Kepler, laissant alors des failles dans sa démonstration, et surtout faire passer l'Eglise pour une imbécile dans son traité.
Le deuxième point sur lequel on tente de faire passer l'Eglise pour obscurantiste c'est l'évolution de Darwin. Ce sont les intégristes qui se battent contre la théorie darwinienne, prônant le créationnisme ou l'Intelligent Design pour les plus modérés. En octobre 1996 le pape Jean Paul II a reconnu officiellement la théorie de l'évolution.12 Il y eu certes des débats, et il y en a encore, y compris au sein de l'Eglise, comme au sein de la communauté scientifique. La théorie de l'évolution a évolué depuis Darwin, la position de l'Eglise aussi. L'évolution est surtout très mal comprise et souvent mal interprétée, voire extrapolée, donc faussée. Darwin n'a par exemple jamais dit ni écrit que l'homme descendait du singe, on ne peut pas être le descendant d'un cousin. Et si l'Eglise avait si peur de la science, si elle y était tant opposée, pourquoi les universités catholiques auraient-elle fondé des chaires de sciences ? Pourquoi existeraient elles même ? Pourquoi Pie X aurait-il fondé l'Académie Pontificale des sciences ?13

Le philosophe Alexandre Kojève a avancé la thèse du catholicisme comme catalyseur de la science moderne : non pas ennemi mais responsable. « Dans le monde judéo-arabe du Moyen âge, les mathématiques étaient aussi développées qu'en Europe. Une révolution scientifique aurait donc pu y éclore. Mais, explique Kojève, seul le catholicisme croit en la transsubstantiation, c'est-à-dire que le corps du Christ est réellement, et non symboliquement, présent dans l'hostie. C'est donc la seule religion à croire en la possibilité d'échanges entre le monde céleste et celui des hommes. Pour Aristote, c'était impossible : le monde céleste était parfait, donc totalement distinct du monde terrestre. Avec le dogme de la transsubstantiation, les deux mondes ne sont plus séparés. C'est pourquoi, selon Kojève, Copernic et ses successeurs ont pu concevoir un monde céleste imparfait, comme l'est le monde terrestre, et entreprendre d'expliquer ce monde en proposant un système héliocentrique. »14 Je conclurai avec une introduction de JPII « La science et la foi sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité. C'est Dieu qui a mis au cœur de l'homme le désir de connaître la vérité et, au terme, de Le connaître lui-même afin que, Le connaissant et L'aimant, il puisse atteindre la pleine vérité sur lui-même (cf. Ex 33, 18; Ps 27 [26], 8-9; 63 [62], 2-3; Jn 14, 8; 1 Jn 3, 2). » à lire dans sa lettre encyclique Fides et ratio15


 SCORFA

1Luc.1,34
2FIVETE = fécondation in vitro et transplantation d'embryon. ICSI = intra cytoplasmic spermatozoïd injection
3« rien n'est impossible à Dieu » Gn.18,14 puis Lc.1
4Catéchisme de l'Eglise Catholique, Mame/Plon. 499, p.110
5Catéchisme de l'Eglise Catholique, Mame/Plon. 498, p.110
6Mt.13,55 et Mc.6,3
7« l'Ecriture atteste que, chez les anciens, on donnait généralement le nom de frères et de soeurs aux consanguins et consanguines. En effet, Tobie priant Dieu avant l'action du mariage, disait: «Et maintenant, Seigneur, vous savez que ce n'est point par un mauvais désir que je prends ma soeur pour épouse »; bien qu'elle ne fût point née du même père ni de la même mère que lui, mais simplement issue de la même famille. On appelle également Loth frère d'Abraham, quoique Abraham fût son oncle paternel. C'est en vertu de cette coutume, qu'on donne dans l'Evangile le nom de frères du Seigneur à des personnes qui n'étaient certainement pas nées de la vierge Marie, mais qui étaient ses proches par consanguinité. » St Augustin contre Fauste, le manichéen. - Chapitre XXXV. Usage du nom de frère et de soeur dans l'antiquité.
8Blague de curé : lorsque Jésus fait face à la femme adultère, il dit « que celui qui n'a jamais péché lance la première pierre. » A ce moment là, la femme adultère, Marie Madeleine, se prend une pierre en pleine poire. Jésus se retourne et dit « maman ! »
9Louis Bouyer Dictionnaire de Théologie. Desclée. Paris. 1990
10Jn.2,11.
11Claude Allègre. Dieu face à la science. Fayard. 1997. p.158
12« Près d'un demi-siècle après la parution de l'encyclique [de Pie XII], de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l'évolution plus qu'une hypothèse (…). La convergence nullement recherchée ou provoquée des résultats des travaux menés indépendamment les uns des autres constitue en elle-même un argument significatif en faveur de cette théorie. » JPII, oct 1996 Allocution à l'Académie pontificale des sciences, Documentation catholique, 1996, p.952
13Cf P. Portier L'Eglise romaine et la question de l'évolution. In Théorie de l'évolution et religions. Actes académiques, Riveneuve Editions. p.126.
14La catholicisme, catalyseur de la science moderne ? Dossier de La recherche, n°48, avril 2012. p.12

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