le Barbare et l'Or

TACITUS, Germania, 5, 3-4 (98 d.C. ca.)

Argentum et aurum propitiine an irati di negaverint dubito. Nec tamen adfirmaverim nullam Germaniae venam argentum aurumve gignere: quis enim scrutatus est? Possessione et usu haud perinde adficiuntur; est videre apud illos argentea vasa, legatis et principibus eorum muneri data, non in alia vilitate quam quae humo finguntur.

La question qui ouvre le texte est significative: le fait que les Germains soient privés d'argent et d'or est-il le signe de la complaisance ou de la colère des dieux? En réalité, il n'est même pas possible de savoir si de l'or ou de l'argent repose sous la terre germaine: en fait, personne n'a jamais eu l'envie d'en chercher! Et quand l'un d'entre eux possède par hasard quelque vaisselle en or ou en argent (vraisemblablement le don d'un de leurs chefs, que ce dernier a lui-même reçu d'un ambassadeur romain) il le considère comme s'il s'agissait d'un plat de terre cuite.

L'historien se fait moraliste: cet or et cet argent n'ont d'autre valeur que celle que nous voulons bien lui accorder. L'observateur romain idéalise ici le germain - le barbare, et de surcroît, l'ennemi, l'humiliant ennemi du désastre de Teutobourg, le germain impossible à soumettre - et use de lui comme d'un outil critique d'une civilisation romaine qui le dégoûte. Sont-ils des barbares parce qu'ils sont sobres, sans raffinement, sans sophistication? Ce 'sauvage', miroir inversé de notre civilisation, c'est le même que celui de Montaigne, de Diderot... Mais il fallait bien rendre à Tacite (et aux autres Anciens qui ont développé ce thème) la primauté de ce lieu commun, locus communis ! Tacite le fait peut-être avec un regard bien plus pessimiste que les "humanistes" des temps modernes - cela soit dit pour inciter d'éventuels lecteurs à s'intéresser de plus près à cet historien.
Magister.

Runde Berg. Bijoux provenant de dépôts du début du

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