Trop & Pas Assez

La question du caractère chrétien devrait-il poser un problème dans une école chrétienne? Telle école a la réputation d'une école "encore" catholique, et cela semble en alarmer certains. Clarifions.

A ceux qui jugent que notre foi est trop visible, je répondrai que le temps du levain dans la pâte est révolu et que nous en sommes au temps de la lumière du monde (une lumière qui est celle des étoiles dans le ciel nocturne, infimes points lumineux dans les ténèbres). La France n'a plus grand chose de chrétien, si ce n'est son patrimoine. Si nous voulons porter l'Evangile, il nous faut le faire d'une manière explicite. 

A ceux qui affirment que nous ne le sommes pas suffisamment, je dirai: certainement.  La particularité du Sermon sur la Montagne, notre programme d'action, est celle d'être un programme particulièrement inapplicable. Christ ne propose pas une moral à hauteur humaine - comment être "suffisamment" chrétien dans ces conditions? C'est un idéal sans cesse à poursuivre, sans cesse inatteignable.

Mais entendons-nous bien la même chose dans l'expression "être" catholique? Il faut voir dans la critique de ne l'être pas assez, en fait un reproche de ne pas être assez catholique "politiquement". Nous ne saurions souscrire à l'injonction de faire du christianisme une option politique, une opinion partisane, une couleur, un conformisme, une apparence ou un uniforme.

Face à ces expressions d'un catholicisme formaliste, créant une fâcheuse synonymie avec l'extrémisme politique, l'autre groupe de critiqueurs s'inquiètera de ce qu'il prendra pour un christianisme radical, et plaidera pour une foi "modérée". Nous ne pouvons que récuser la modération. Le christianisme est héroïque et ne saurait être "modéré". Il y a un malentendu. Les formes orgueilleuses de l'affirmation identitaire sont plus proches du pharisaïsme que de la sainteté ; mais la modération, la tiédeur, la petite morale confortable, la petite foi, le tri dans les dogmes, la religion sur-mesure, me semble un écueil comparable.

La Sainteté est faite d'un dépassement de soi qui passe par l'humilité, par le dépouillement de tout ce qui empêche Dieu d'avoir la première place. Voilà le programme. 

Les reproches que nous subissons d'être ou bien trop, ou bien pas assez chrétiens sont certainement justifiés, quand l'un de nous, élève, professeur, tombe dans la raideur ou dans le confort. Recentrons-nous sur l'essentiel. Les vertus chrétiennes sont la douceur, l'humilité ("je suis doux est humble de coeur"), la soif de justice, l'amour de la pauvreté, la pureté du coeur, le renoncement à soi-même. 

Ainsi, pour répondre au reproche d'être "trop catho", s'il nous arrive parfois de tomber dans l'orgueil, ce n'est pas parce que nous sommes "trop", mais au contraire, "pas assez" ; et ce n'est pas la modération (la médiocrité) qui nous sauvera.

MAGISTER

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