Restez couverts !

En entrant l’autre jour à la banque porter quelques menus chèques, trop menus d’ailleurs, je me suis amusé pour la première fois de ce masque ridicule en disant à mon banquier que c’était la première fois qu’on m’obligeait à rentrer dans une banque en tenue de gangster. Ce fut donc double allégresse : rire de soi et avec son banquier n’est pas si courant.


Cette muselière qui occupe nombre de nos échanges malgré sa présence étouffante est aussi une occasion de réflexion sur soi, sur notre impact social, notre crédulité, notre obéissance ou résignation … En tant que prof si nous avons plusieurs solutions, aucune n’est satisfaisante.

1/ J’étouffe dans l’obéissance à la loi. Et parce que j’étouffe je suis tenté d’étouffer ceux qui semblent respirer ou au moins de leur faire la morale, civique, laïque, en invoquant l’argument fallacieux de la protection d’autrui, car on sait bien que la protection est si faible que négligeable.

2/ Je dissimule ma désobéissance en ne portant la muselière que lorsque je pense ne pas pouvoir être dénoncé. Et comme je me sens couard j’invoque mon impuissance et fustige l’obéissant précédent qui m’en-gueule son argument soi-disant altruiste.

3/ Je joue la désobéissance civile en chevalier blanc. Mais si je prône l’anarchie comment demander alors de l’ordre dans ma classe ? Et dans quel embarras mets-je ceux qui portent la responsabilité de mon établissement vis-à-vis de l’état, des parents, des enfants ?

Nous savons bien que la solution du masque n’est qu’une mascarade, par étymologie, et pour de multiple raisons, que la lassitude nous évitera de développer ici. Comme le confinement, c’est une sous-mesure pour faire croire que l’on prend des mesures, pour rassurer les esprits faute d’être capable d’agir efficacement et en vérité.


Alors que faire puisqu’ in medio stat virtus ne peut être la bonne solution entre les deux extrêmes, anarchiste ou légaliste ? Il est peut-être temps de chercher dans l’Evangile une situation où le Christ s’est trouvé coincé entre deux extrêmes... Or justement l’Evangile de ce jour nous donne peut-être à réfléchir lorsque « Quelques pharisiens dirent alors : « Pourquoi faites-vous ce qui n’est pas permis le jour du sabbat ? » (Lc.6,2) Jésus leur répond : « Le Fils de l’homme est maître du sabbat. » (Lc.6,5) puis « Je vous le demande : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien ou de faire le mal ? de sauver une vie ou de la perdre ? » (Lc.6,9+Mc.3,4) juste avant de leur donner les Béatitudes (Lc.6,20-23). Cela me rappelle sa sentence précédente : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat. » (Mc.2,27-28+Mt.12,8). Jésus ne contredit pas le sabbat mais n’en fait pas non plus un refuge pour assureur et donne une loi bien supérieure à celle des humains : aimons-nous mes frères !

T.R.Scorfa

samedi 5 septembre 2020


 


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