Discours aux lycéens, le 19 mars 2021 - la Vérité et l'Amour

Discours prononcé aux lycéens pour la fête de Saint-Joseph le vendredi 19 mars 2021.

 

Quelle joie ! Quelle joie de faire une pause, d’une journée dans l’année, alors que s’ouvre devant nous la dernière période, qui pour bon nombre d’entre vous constituera leurs dernières semaines dans ce lycée. Je voudrais profiter de cette pause, donc, pour prendre un peu de recul et considérer, sous le regard aimant de saint Joseph, ce que nous sommes, petit peuple du lycée ***.


Lycéens, vos familles nous ont, dans leur diversité, accordé leur confiance. C’est une chance à saisir pour affirmer avec joie le sens chrétien de la vie, pour matérialiser, incarner dans une communauté, la possibilité offerte à l’humanité, malgré ses divisions et ses aveuglements, de tisser des liens fraternels.


Pour une part, notre lycée est un lieu de recherche de la Vérité. Nous ne la possédons pas, entendez bien ce point-ci, nous ne la posséderons jamais, mais nous la cherchons néanmoins. La nuance est de taille. Cette recherche est patiente, lente, elle progresse peu à peu, pas à pas, de séance de cours en séance de cours, d’échecs en réussites. Je ne saurai faire l’éloge de cette recherche de la Vérité, sans faire l’éloge de l’esprit critique. Évitez, lycéens, l’aveuglement volontaire, ne garnissez pas vos esprits d’idées préfabriquées. Mais prenez garde : esprit critique n’est pas esprit destructeur. Si je vous demande de ne pas vous figer dans quelques principes simplistes et paralysants, fuyez aussi bien la tendance au doute systématique, à la remise en cause de tout, tendance si actuelle ; écoutez docilement vos professeurs car ils connaissent leur sujet ; écoutez aussi vos camarades : il n’y a que de cette manière que vous les comprendrez. Chrétiens, écoutez ceux qui n’ont pas la foi ; et vous qui n’avez pas la foi, écoutez les Chrétiens. Acceptez donc d’adopter cette posture de disponibilité, de disponibilité à l’accueil. Cet accueil n’est certes pas l’acceptation de l’erreur ou du mensonge ; toute opinion n’est pas vraie, l’homme est capable d’erreur. Haïssez donc l’erreur ; mais aimez celui qui se trompe.


Notre communauté est donc un lieu où circule le savoir, où l’on cultive l’être humain, où l’on baigne dans la lumière de l’esprit. Mais elle n’est pas qu'une communauté d’esprits qui échangent abstraitement des idées ; c’est aussi une communauté incarnée, faite de bruits, de larmes et de sang, un lieu – disais-je – où l’on peut tisser des liens fraternels, où, sous le regard de Dieu, nous pouvons expérimenter l’amour du prochain.


Le lycée ***, c’est en somme chercher la vérité dans l’amour du prochain. Beau programme. Vous êtes tous venus ici, pour trois ou quatre ans tout au plus, avec votre histoire familiale, votre tempérament, votre caractère, votre personne en formation, votre adolescence maladroite, hésitante ou excessive, et nous vous accueillons tous, tels que vous êtes, ou plus exactement, petit peuple lycéen, tels que vous devenez.


Que cet accueil se fasse donc dans l’amour du prochain. Je ne crois pas me tromper en disant avec force que nous, professeurs, surveillants, personnels, nous vous aimons. En dépit de ce quotidien émaillé de tous les conflits, les exigences, les reproches, les menaces, les sanctions, qui ne sont que le signe de notre tristesse de vous voir vous laisser aller à l’indifférence, à l’erreur ou à la paresse, nous vous aimons.


Toi le boy scout toujours prêt au service, nous t’aimons.


Toi la jeune fille qui joue au rugby, nous t’aimons.


Toi qui est mal dans ton corps parce qu’adolescent et qui ne sait pas comment l’habiller, ce corps qui t’encombre, nous t’aimons.


Toi qui depuis la 6ème a toujours eu 18 de moyenne, nous t’aimons.


Toi qui passes ton temps au bosquet, à fumer en cachette, nous t’aimons.


Toi, jeune fille qui t’habilles déjà comme une femme, ou toi, jeune fille qui t’habilles encore comme une enfant, nous vous aimons.


Toi, qui te sens mal ici et qui fais tout pour sécher l’étude, nous t’aimons.


Toi, dans une situation familiale conflictuelle et qui a trouvé à l’internat presque une deuxième famille, nous t’aimons.


Toi qui vas à la messe tous les dimanches et toi qui n’y vas pas, nous vous aimons.


Toi qui ne sais plus pourquoi tu es chrétien, et toi qui as rencontré le Christ ici, nous t’aimons.


Toi, qui as passé le confinement à jouer aux jeux vidéos enfermé dans ta chambre et qui t’es remis péniblement à travailler à l’étude, nous t’aimons.


Toi qui vis dans cette Ecole depuis la maternelle, et toi qui es parmi nous depuis le 1er mars, nous t’aimons.


Toi qui cumules 15 sanctions et toi, dont le seul écart de comportement fut de faire tomber un stylo par-terre un jour en CM2, nous vous aimons.


Toi qui, dans les balbutiements de ton éveil politique, te dis traditionnel, ou conservateur, ou libéral, ou progressiste, nous t’aimons.


Toi qui as le bonheur d’avoir une famille bien équilibrée et harmonieuse, nous t’aimons.


Toi qui n’a plus de motivation, et toi qui veux tout faire pour réaliser ton projet, nous vous aimons.


Toi qui as été blessé par la vie, toi qui souffres dans ton corps, toi qui souffres dans ton âme, parce que l’enfance et l’adolescence ne sont pas des périodes idéales pour tous, nous vous aimons.


Garde cela à l’esprit, petit peuple lycéen, élève à *** : ne permets pas que la communauté qui t’accueille cesse d’être ce lieu où l’on trouve comme la chaleur d’un foyer, où se tissent des liens fraternels. Tu passeras trois années ici, mais elle seront en toi pour la vie : rappelle-toi bien de cela, je voudrais porter à ta conscience ce dont tu ne te rends peut-être pas compte encore: tu es en train de vivre ce qui seront tes souvenirs les plus précieux.

Stéphane Morassut







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