discordance

En ces propos publiés samedi dernier, je pèche certainement par manque de charité. La vie chrétienne n'est-elle pas, avant tout, une réforme intérieure? Que sais-je de la vie intérieure de ces chrétiens et de ces jeunes, moi qui condamne témérairement leur tiédeur?  Que sais-je, par exemple, des actes de charité qu'ils réalisent dans les ténèbres?

Jésus l'a dit, autant pour la vie de prière que pour la vie morale: quand vous priez, priez dans le secret ; quand vous faites l'aumône, faites taire les tambours et les trompettes ; quand vous jeûnez, maquillez de rouge la teinte grisâtre que prennent vos joues sous l'effet de la privation. La vie chrétienne est une vie cachée. 

Mais Il a dit également que l'arbre se reconnaît à ses fruits ; que l'impur n'est pas ce qui entre dans la bouche mais plutôt ce qui en sort - et l'on peut avoir quelque idée de l'univers intérieur corrompu des chrétiens aux paroles qui s'en exhalent.

Une autre critique que l'on pourra m'infliger est la suivante: pourquoi être si dur avec les chrétiens, les autres ne méritent-ils pas tout autant la réprobation?

Certainement ; mais s'il est une équivalence entre chrétiens et non-chrétiens quant au scandale de leurs actes et de leurs paroles, celui que provoquent les chrétiens est décuplé par la visible discordance entre leur comportement constatable et ce qu'ils professent, eux qui se disent disciples du Christ.

La vie chrétienne, disais-je, est une vie cachée. Que celui qui ose se dire chrétien ait bien conscience de l'écrasant fardeau qu'il met lui-même sur ses épaules. Dieu nous demandera, et nous demande dès à présent, des comptes ;  pourquoi s'infliger la pénible tâche de devoir rendre des comptes à l'humanité tout entière, qui sera sans pitié à l'égard de la moindre de nos contradictions? 

Je ne vois la possibilité de se dire chrétien qu'en murmurant du bout des lèvres, en balbutiant misérablement notre profonde indignité. Être chrétien c'est être pécheur - comme tous les humains le sont - et c'est le dire - comme bien peu d'entre nous, humains, le faisons. Là se situe notre singularité. Il n'y a pas de quoi pavoiser, en vérité.

MAGISTER


Francis Bacon, Etude d'après le portrait du pape Innocent X de Vélasquez (1953). Des Moines Art Center, Des Moines (E.U.d'A.)





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