De la juste place de la solidarité

Nul besoin d'être chrétien pour être solidaire avec mes frères humains. Le principe de solidarité est inscrit dans la nature même de l'homme. Il s'agit d'un principe observé par les Anciens, je l'ai déjà montré.Cet engagement est le devoir de tout homme, quel que soit son état. Cette loi de solidarité est inscrite au cœur des hommes, et ces derniers n'ont pas besoin d'une Révélation pour l'admettre: la loi naturelle leur suffit.

Certes, l'homme, chrétien ou non, peut l'oublier. L'ignorance, l'erreur, les fausses philosophies, les fausses idéologies peuvent faire perdre de vue la loi naturelle: nous ne l'avons que trop vu à travers les siècles, nous ne le voyons que trop aujourd'hui. C'était d'ailleurs le sens des Dix Commandements, que certains prennent pour une loi religieuse, alors que Dieu ne fait que rappeler à Moïse la loi naturelle (ou en d'autres termes, la morale humaine universelle): l'homme, dont l'intelligence est enténébrée, a eu besoin que Dieu lui rappelle certains principes: que le meurtre, le mensonge, le vol ou l'adultère sont des maux. Le "Tu ne tueras pas", par exemple, met en question la guerre, le meurtre et le viol, et au-delà, tout mode de vie ne permettant pas le salut de chacun ainsi que la préservation de la création.

Dieu prend la peine de le rappeler, et de l'inscrire dans la pierre, vision qui amène certains d'entre nous à commettre le contresens de croire qu'il s'agit d'une morale religieuse. Cela n'est vrai que dans la mesure où la loi naturelle est voulue par Dieu ; mais cette loi peut être connue par le seul exercice de la raison, hors de tout discours religieux.  Ainsi, l'engagement solidaire correspond à la parole christique: "Rendez à César ...". C'est en fait le minimum du Chrétien, et cela n'est pas le "Rendez à Dieu...": le Chrétien qui croit témoigner par son engagement solidaire se trompe: il rend compte "seulement" de la conscience morale collective. Le témoignage chrétien ne peut être seulement "je sers mon frère" , car en disant cela, il dit : "je suis humain", non : "je suis chrétien".

Le chrétien a le devoir de témoigner de Dieu et du Ciel. D'un Dieu qui nous a créé à son image, qui veut notre existence, par amour. D'un Ciel où nous sommes appelés pour la vie éternelle et la joie qui ne passe pas.

Et c'est justement cette vision, cette espérance, qui peut purifier nos actes, et donner un sens à l'engagement solidaire, qui en réalité n'est pas une fin en soi, et risque toujours d'être détourné : on sait bien que la solidarité peut être mise en danger par divers maux: l'activisme, le spectaculaire, la domination ...

Enfin, et pour porter notre regard sur la question scolaire, tous ces éléments nous amènent à conclure que le projet pastoral d'une école chrétienne ne saurait se passer des engagements solidaires, et ne saurait non plus se limiter à cela.

Magister


René Magritte, Architecture au clair de lune, 1956 (coll. privée)


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