Discours aux terminales, promotion 2022

Discours prononcé lors du bal de gala des terminales, en juin 2022

C’est enfin le grand jour du bal !

Certains m’ont confié leur crainte que ces discours soient trop longs et que le temps passé en palabres empiète sur le temps prévu pour s’amuser. C’est voir juste : le temps vous est compté, en effet ; et comme le veut la tradition littéraire, vous devrez quitter le bal aux douze coups de minuit.

Comment ne pas déceler ici une analogie ? Une métaphore de votre passage au lycée *** ?

Ce bal est limité dans le temps, comme votre passage dans ce lycée ; vous avez peur que ce bal passe trop vite, comme vous vous apercevez tout à coup que votre passage dans ce lycée… est déjà fini. C’est la fin. C’est – déjà – le passé.

Alors vous vous êtes faits beaux. La beauté est faite pour orner les temps symboliques qui marquent nos passages. Vous vous êtes faits beaux : on vous a métamorphosés, en princes, et en princesses. Et à minuit, aux douze coups fatidiques, vous redeviendrez Cendrillon, la pauvre souillon.

L’analogie ne s’arrête pas là. Parfois, avouons-le, avec la sévérité amère de la Marâtre mais plus souvent avec la la bienveillance de la Marraine, maniant avec dextérité la baguette magique et prononçant les sortilèges adaptés, nous vous avons ornés. Nous avons voulu vous rendre beaux. Travailleurs assidus et réguliers ; bons petits chanteurs ; courageux joueurs de rugby ; pieux chrétiens ; dignes personnes prêtes à servir la communauté ; bons camarades ; hellénistes érudits… nous avons voulu vous apprendre à chanter, à réfléchir, à vous cultiver, à penser à Dieu, à penser aux autres.

Je vous vois sourire… sommes-nous naïfs, nous autres professeurs et éducateurs ! Nous qui continuons, inlassablement, année après année, et malgré toutes les déceptions, tous les désaveux, toutes les ingratitudes, à croire en l’humanité, et à nous faire une assez haute idée du potentiel humain des jeunes qui nous sont confiés pour poursuivre notre œuvre civilisatrice !

Mais revenons à notre analogie. Qu’allez-vous donc devenir, princes et princesses, à présent, et c’est imminent, que les douze coups de minuit de votre passage à Saint-Jean vont bientôt retentir ? Fini, le travailleur assidu ? Fini, le bon petit chanteur ? Finie, la camaraderie ? … Et pire que tout : fini, le Grec Ancien ?

Le rêve Saint-Jean fini comme le bal du conte, et vous allez vous retrouver Cendrillon ?

Cela dépendra de vous. Pour ce qui nous concerne, ce qui est fini, c’est notre travail avec vous, notre travail de Marâtre ou de Marraine, fini. Terminado. Confectus et perfectus. Finished – ou, pour Victor, Valentine et Morgane : Fi-ni-chède. Raphaël aussi.

A vous de voir, donc, si vous subirez « l’effet Cendrillon » ou si vous saurez conserver un peu de cette beauté dont vous avons voulu vous orner. A vous de voir si cette beauté, beauté d’un poème de Victor Hugo, beauté d’une pensée philosophique, beauté d’un théorème mathématique, beauté d’une belle action au rugby, beauté d’une belle partition chorale, beauté de la contemplation des phénomènes chimiques ou biologiques, à vous de voir si vous en ferez quelque chose – ou non. Vous êtes à présent adultes : vous êtes libres.

Morassut Stéphane

Pour lire les autres discours de M. Morassut:

Discours prononcé lors de la commémoration de l'armistice de 1918. Lycée Maréchal Lannes.

Discours aux lycéens de terminale. Promotion 2020.

Aux lycéens, à l'occasion de l'hommage national à Samuel Paty. 'Face à la cruauté '

Aux lycéens. 'La Liberté et L'amour'

Aux élèves de seconde. 'La liberté et la Règle'

Allocution de rentrée. 'la guerre en Europe'