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Sentir et écrire en fasciste

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Un événement: "l'exode" de 1940, fuite massive de populations civiles devant l'avancée allemande. Un témoin: Lucien Rebatet, écrivain, journaliste, marqué par l'option fasciste et antisémite. La vision littéraire de l'exode que nous soumettons ici aux lecteurs nous permettra de mieux envisager comment est configurée la tournure d'esprit de l'homme totalitaire.   "Nous roulions en direction de Montlhéry. Quelques kilomètres après Versailles, un embouteillage inouï nous arrêta tout à coup. Nous n’étions plus en retraite, mais au milieu d’une débâcle sans précédent. Le flux des fuyards vomi de Paris par cinq ou six portes était venu se confondre inextricablement à ce carrefour. Tous les aspects de la plus infâme panique se révélaient dans ces voitures, remplies jusqu’à rompre les essieux des chargements les plus hétéroclites, femelles hurlantes aux tignasses jaunes échevelées se collant dans les trainées de fard fondu et de poussière, mâles...

Que retenir de Médée? - par Fabrice Butlen

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  Texte d’un discours prononcé devant des collégiens et leurs familles à l’occasion de la remise des prix du concours du « Calame d’Or », le samedi 22 mars 2025. Ces élèves de quatrième avaient produit une réalisation filmée autour d’un extrait de la Médée de Sénèque. Que retenir de Médée ? O felices dicipulae discipulique, victoriae lauro coronati, juventus bonae spei, et vos quoque, domina praeses participesque illius societatis Calami aurei quae hoc certamen linguae Latinae excogitavistis proposuistis ordinavistis, admistri hujius musei Lugdunensis vosque parentes collegaeque mei qui ubicumque Galliae linguam Latinam hos bonos juvenes docetis, salvete omnes una salute. Chers heureux lauréats, jeunesse sur qui se fondent nos espérances, Madame la présidente de l’association du Calame d’or, chers membres de cette association qui avez conçu, proposé et organisé ce concours de latin, personnels du musée de Lugdunum, chers parents, chers collègues qui...

Le Sommaire 2025

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La fin de l’année académique correspond, selon notre habitude, au moment de nous retourner pour contempler le chemin accompli. Voici donc le sommaire 2025 des Cahiers de Saint-Jean . L’année 24-25 fut pour nous l’année de la solitude, puisque aucune collaboration n’est à relever : les Cahiers de Saint-Jean furent pour cette fois l’œuvre d’un seul homme. Plusieurs papiers m’ont été promis, aucun n’est venu : je n’en veux pas à ces amis de n’avoir rien offert aux Cahiers , car je sais bien qu’y écrire est l’assurance de n’être pas lu…    Année 24-25 œuvre d’un seul, donc, mais loin d’être improductive, comme le prouvent ces quinze articles, quinze fleurs cueillies dans le jardin de notre désarroi. Quinze paroles d’abord ruminées, puis jaillies, enfin polies avec peine. Point d’autre méthode, et point de régularité.  Ces quinze propos ont tous les défauts que l’on peut craindre : formules obscures, raccourcis trop simplistes ou trop complexes ; références opaques ; raisonnem...

torture d'être chrétien

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S'ensevelir dans l'oraison, comme dans une tombe. L'action m'inquiète, me poursuit: mon action fait-elle la volonté de Dieu?... quand je tente d'agir, le péril de l'autosatisfaction, de l'autocélébration... et ce cauchemar, qu'est le contact des autres: partout la sottise, le mensonge, la blessure... dans ces conditions comment agir? L'inconvénient de l'action est qu'elle donne l'illusion de la puissance. Il faudrait agir sans agir, sans avoir l'impression d'agir; tourner la vertu en habitude, en geste réflexe aussi naturel que la respiration... n'agir que par ordre, par obéissance à un ordre venu d'en-haut (cf. S. Weil) Pris entre la préférence pour l'inaction, par crainte d'être dupe, par réticence à faire le mal sans le vouloir, ou pressé par les événements; parce que l'erreur est partout, et en moi. Parce que les regrets me persécutent, et la honte -- et l'épouvante d'être maudit pour cette même ina...

Doctrine sociale

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Quand nous aurons quitté cette vie, alors seulement nous commencerons à vivre: cette vérité, que la nature elle-même nous enseigne, est un dogme chrétien. Sur lui repose, comme sur son premier fondement, toute l'économie de la religion. Non, Dieu ne nous a pas fait pour les choses fragiles et périssables, mais bien pour les choses célestes et éternelles; ce n'est point comme une demeure fixe qu'il nous a donné cette terre, mais comme un lieu d'exil. Que vous abondiez en richesses (...) ou que vous en soyez privé, celle n'importe nullement à l'éternelle béatitude; l'usage que vous en ferez, voilà ce qui importe. Par sa surabondante rédemption, Jésus-Christ n'a point supprimé les afflictions, qui forment presque toute la trame de la vie mortelle, mais il en a fait des stimulants de vertu et des sources de mérite; en sort qu'il n'est point d'homme qui puisse prétendre aux récompenses éternelles s'il ne marche sur les traces sanglantes de Jés...

... et toute clarté s'éteignit

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Le Voile du Calvaire Jésus  sur  son  épaule  avait  penché  la  tête  ; Il  s'éleva  partout  un  souffle  de  tempête,           Et  toute  clarté  s'éteignit.  L'horrible  mont  trembla,  les  roches  se  fendirent, Et  comme  Christ  mourait,  les  tombes  s'ouvrirent.           La  mer  frissonna  dans  son  lit.   RORATE  CŒLI  DESUPER Versez,  grands  cieux  ardents,  versez  votre  rosée  ! Des  souffles  ennemis  la  terre  reposée           A  germé  le  Sauveur. Los  temps  sont  arrivés,  prédits  par  le  prophète, Où  s'en  iront  en  paix  l'autour  et...

La Messe de Minuit de Flaubert

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  « Des sanglots gonflaient leur poitrine. Ils se mirent à la lucarne pour respirer. L’air était froid, et des astres nombreux brillaient dans le ciel noir comme de l’encre. La blancheur de la neige qui couvrait la terre se perdait dans les brumes de l’horizon. Ils aperçurent de petites lumières à ras du sol, et, grandissant, se rapprochant, toutes allaient du côté de l’église. Une curiosité les y poussa. C’était la messe de minuit. Ces lumières provenaient des lanternes des bergers. Quelques-uns, sous le porche, secouaient leurs manteaux. Le serpent ronflait, l’encens fumait. Des verres, suspendus dans la longueur de la nef, dessinaient trois couronnes de feux multicolores, et, au bout de la perspective, des deux côtés du tabernacle, des cierges géants dressaient des flammes rouges. Par-dessus les têtes de la foule et les capelines des femmes, au delà des chantres, on distinguait le prêtre, dans sa chasuble d’or ; à sa voix aiguë répondaient les voix fortes ...