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Doctrine sociale

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Quand nous aurons quitté cette vie, alors seulement nous commencerons à vivre: cette vérité, que la nature elle-même nous enseigne, est un dogme chrétien. Sur lui repose, comme sur son premier fondement, toute l'économie de la religion. Non, Dieu ne nous a pas fait pour les choses fragiles et périssables, mais bien pour les choses célestes et éternelles; ce n'est point comme une demeure fixe qu'il nous a donné cette terre, mais comme un lieu d'exil. Que vous abondiez en richesses (...) ou que vous en soyez privé, celle n'importe nullement à l'éternelle béatitude; l'usage que vous en ferez, voilà ce qui importe. Par sa surabondante rédemption, Jésus-Christ n'a point supprimé les afflictions, qui forment presque toute la trame de la vie mortelle, mais il en a fait des stimulants de vertu et des sources de mérite; en sort qu'il n'est point d'homme qui puisse prétendre aux récompenses éternelles s'il ne marche sur les traces sanglantes de Jés...

... et toute clarté s'éteignit

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Le Voile du Calvaire Jésus  sur  son  épaule  avait  penché  la  tête  ; Il  s'éleva  partout  un  souffle  de  tempête,           Et  toute  clarté  s'éteignit.  L'horrible  mont  trembla,  les  roches  se  fendirent, Et  comme  Christ  mourait,  les  tombes  s'ouvrirent.           La  mer  frissonna  dans  son  lit.   RORATE  CŒLI  DESUPER Versez,  grands  cieux  ardents,  versez  votre  rosée  ! Des  souffles  ennemis  la  terre  reposée           A  germé  le  Sauveur. Los  temps  sont  arrivés,  prédits  par  le  prophète, Où  s'en  iront  en  paix  l'autour  et...

La Messe de Minuit de Flaubert

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  « Des sanglots gonflaient leur poitrine. Ils se mirent à la lucarne pour respirer. L’air était froid, et des astres nombreux brillaient dans le ciel noir comme de l’encre. La blancheur de la neige qui couvrait la terre se perdait dans les brumes de l’horizon. Ils aperçurent de petites lumières à ras du sol, et, grandissant, se rapprochant, toutes allaient du côté de l’église. Une curiosité les y poussa. C’était la messe de minuit. Ces lumières provenaient des lanternes des bergers. Quelques-uns, sous le porche, secouaient leurs manteaux. Le serpent ronflait, l’encens fumait. Des verres, suspendus dans la longueur de la nef, dessinaient trois couronnes de feux multicolores, et, au bout de la perspective, des deux côtés du tabernacle, des cierges géants dressaient des flammes rouges. Par-dessus les têtes de la foule et les capelines des femmes, au delà des chantres, on distinguait le prêtre, dans sa chasuble d’or ; à sa voix aiguë répondaient les voix fortes ...

Ne point se venger, c'est s'enchaîner à l'idée de pardon

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Lisons quelques lignes belles et violentes: "Nous employons le plus clair de nos veilles à dépecer en pensée nos ennemis, à leur arracher les yeux et les entrailles, à presser et vider leurs veines, à piétiner et broyer chacun de leurs organes, tout en leur laissant par charité la jouissance de leur squelette. Cette concession faite, nous nous calmons et, recrus de fatigue, glissons dans le sommeil. Repos bien gagné après tant d'acharnement et de minutie. Nous devons du reste récupérer des forces pour pouvoir la nuit suivante recommencer l'opération, nous remettre à une besogne qui découragerait un Hercule boucher. Décidément, avoir des ennemis n'est pas une sinécure.  "Le programme de nos nuits serait moins chargé si, de jour, il nous était loisible de donner libre carrière à nos mauvais penchants. Pour atteindre non pas tant au bonheur qu'à l'équilibre, il nous faudrait liquider un bon nombre de nos semblables, pratiquer quotidiennement le massacre, à l...

Comment s'installent les autocraties - les leçons de Tacite

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Le lecteur fidèle des Cahiers connaît les rapports qu'ils entretiennent avec l'actualité. Celle-ci n'est que très rarement désignée: les Cahiers se proposent d'organiser une échappée, inutile et gratuite, une élévation du regard vers les beautés d'en haut plutôt que son abaissement vers les curiosités d'en-bas*. Mais ce même lecteur fidèle aura également remarqué que si cette actualité n'est que très rarement dite, sa présence est pourtant, par endroits, palpable.  C’est en particulier le cas à la lecture des textes littéraires. Si nous les goûtons pour leur étrangeté, leur exotisme , nous ne croyons pas pour autant qu’ en raison de leur ancrage culturel dans un autre monde, je veux dire dans une époque passée, ils deviennent des vestiges silencieux, des glyphes opaques ; au contraire, nous croyons l’homme un , même si cette unicité se déploie diversement dans le temps et l’espace, et que le texte littéraire de l’homme du passé trouve toujours un écho dans l...

De l'irrationnel en politique

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Je propose aux professeurs d'histoire ces mots d'un conservateur révolutionnaire, Ernst Krieck, rallié au national-socialisme en 1932, car je pense utile ce genre de document émanant de sphères intellectuelles pour étudier sérieusement, dans les classes, le phénomène nazi. Nous nous risquerons à livrer aux lecteur quelques éléments de commentaire en fin de passage. Plus le national-socialisme devient un large mouvement de masses, plus il englobe d'éléments, plus nombreuses sont les revendications auxquelles il doit donner satisfaction, plus il devient le siège de tensions internes; il est alors menacé de décomposition (...). Pour éviter ce danger, le national-socialisme oppose un principe nouveau, fondamentalement différent des autres partis, celui de la  Gefolgschaft , de la fidélité au Führer, du commandement et du modelage autoritaires; ce principe domine les tensions internes et les fond en un modèle unificateur. (...) Il est logique qu'il rejette cette raison virt...

La peur des mots

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Nous avions déjà évoqué dans ces pages l’utilisation magique des mots  ; par cela nous désignions une certaine utilisation de la parole, non en tant que code destiné à assurer la transmission d’un message, mais comme incantation, sortilège ou un mauvais sort ; cela, parce que le mot a une forme, une sonorité, une histoire, une charge émotionnelle qui permet à celui qui l’emploie de toucher plus aisément le pathos que le logos. Le mot peut ainsi avoir une usure ; je me souviens encore de cette réunion de professeurs dans un établissement de l’enseignement catholique où l’une d’entre elles proposa de ne plus parler de « charité » mais de « solidarité ». Le lecteur fidèle de ces Cahiers sait d’avance que je préfère que l’on rende compte du sens pur des mots plutôt que, actant son usure, on s’en débarrasse. Car renoncer à la Charité, c’est renoncer à une vertu théologale, et c’est aussi renoncer à l’Amour, à l’ Agapè , à la Troisième Personne de la Trinité...